J’ai créé mon agence de communication…
Le monde de la communication est un peu comme la série Dallas : un univers impitoyable. Avec des clients aux budgets qui ne cessent de se resserrer et des besoins de communication toujours plus pressants, on pourrait penser qu’il faut être fou pour lancer son agence alors qu’elles sont nombreuses à se battre pour ne pas fermer irrémédiablement leurs portes. Mais la réalité des uns n’est pas forcément celle des autres. Découvrez le parcours de ces quatre agences qui ont su puiser dans leurs expériences toutes les bonnes raisons pour se lancer dans l’année qui vient de passer.
MA Communication : Le fruit d’une rencontre
Date de fondation : Janvier 2017
Fondateurs : Mathieu Liechti et Andrew MacNeill
Ils cumulent presque 40 ans d’expérience à deux ! Lorsqu’Andrew MacNeill et Mathieu Liechti fondent MA Communication au début de l’année, ils peuvent déjà s’appuyer sur respectivement 25 et 12 années passées dans le monde de la communication. Andrew MacNeill a travaillé dans plusieurs agences publicitaires et àa même déjà une première expérience de dirigeant au sein d’une agence événementielle lorsqu’il s’associe avec Mathieu Liechti, alors titulaire d’un brevet de spécialiste en relations publiques et fort d’une carrière passée à la Fondation pour Genève, qu’il quitte pour un poste d’account manager dans une agence Genevoise, avant d’y revenir à l’occasion du roadshow « Genève à la rencontre des Suisses ». « Nous nous sommes rencontrés lors de cet événement de grande envergure, prévu pour le bicentenaire de l’entrée de Genève dans la confédération. En l’organisant, l’idée de développer une agence de communication a germé. Cette rencontre humaine et professionnelle nous a permis d’entrevoir la complémentarité de nos profils », explique Andrew MacNeill. À leurs clients, principalement des PME, des associations, des fondations et des institutions, ces deux spécialistes souhaitent offrir l’ensemble des prestations d’une agence full services, « mais adaptées aux impératifs et spécificités des plus petites structures ». Mettant en avant la proximité, la réactivité, l’expérience et la flexibilité de leurs offres à des coûts contrôlés, MA Communication a déjà œuvré pour des clients tels que le Garage de Chêne, les Hôpitaux Universitaires de Genève ou sport-ups.com. Conscients que la situation économique « n’est pas des plus propices à l’ouverture d’une agence de communication », les fondateurs s’en accommodent : « Cela nous amène à réfléchir autrement, à proposer des solutions alternatives et à chercher de nouvelles opportunités. » Pour ce faire, ils prennent plaisir à accueillir dans leurs bureaux au centre-ville de Genève toute personne désireuse de collaborer avec eux pour se présenter et partager un bon café.
CHAT&SA : La complémentarité avant tout
Date de fondation : Septembre 2016
Fondateurs : Alban Thomas, Sabine André, Constantinos Hoursoglu
Non, il ne s’agit pas d’un félin, mais de la rencontre entre Constantinos Hoursoglu (CH), Alban Thomas (AT) et Sabine André (SA) qui forment à eux trois CHAT&SA. Cette nouvelle agence genevoise est née de la complémentarité de ces trois associés, trois champs de compétences qui étaient faits pour s’unir. Tous ont déjà été à la tête de leur propre agence : Sabine André a fondé HIGH RP Sàrl en 2006, après des expériences en agence à Paris et Londres et un passage par la Maison Louis Vuitton Genève. Constantinos Hoursoglou, issu quant à lui du design industriel, a déjà fondé sa marque et ouvert un studio de design à Athènes et à Genève quand il fonde CHAT&SA. Enfin, Alban Thomas, graphiste de formation, fonde sa propre entité immédiatement au sortir de l’école avant de retourner développer ses compétences dans différentes agences : à Genève chez McCann Erikson, mais aussi à l’étranger, notamment à Amsterdam et Bruxelles. Il revient ensuite à Genève et participe à la création de bureaux de graphisme comme le GVA Studio, qu’il a cofondé et codirigé durant 7 années. « J’ai rencontré Constantinos Hoursoglou par l’intermédiaire d’un client et nous nous sommes tout de suite appréciés », confie Alban Thomas. « L’idée était pour nous de continuer à apprendre et à prendre du plaisir tout en développant des projets. Nous voulions amener un design qui fasse sens et qui réponde à une démarche ». Ils trouvent rapidement un espace à Genève, dans les locaux d’Alternative Communication. « Mais il nous manquait une troisième personne pour faire le lien entre nos compétences. Avec la narration et l’écrit, Sabine André était le chaînon manquant ». Ils mettent donc en place cette microstructure dès septembre 2016, se positionnant dans le domaine du luxe, de l’architecture et de la culture. « Un choix qui s’explique par nos parcours personnels et nos centres d’intérêts et d’activité depuis près de 20 ans », selon Sabine André. Sûrs de leurs forces, les fondateurs n’ont pas hésité à créer leur agence, malgré la conjoncture actuellement difficile : « Au contraire, l’union fait la force et comme nous restons une petite équipe, nous sommes plus réactifs et souples », affirme-t-elle. Étant toujours trois associés au sein de l’agence depuis la fondation, cette taille familiale n’a pas empêché CHAT&SA de travailler pour des clients comme la Ville de Genève. « Avoir des employés implique une gestion différente », selon Alban Thomas. « Nous employons des freelances ponctuellement. Nous grandissons mais nous ne voulons pas que cela aille trop vite. La notion de plaisir et le côté relationnel sont importants dans ce que nous faisons. Tisser des liens, c’est ce que nous aimons ! »
Neue : A la recherche d’une liberté retrouvée
Date de fondation : Septembre 2016
Fondateurs : Premtim Hajdari, Jeremy Simonet
Et voilà une petite nouvelle qui n’est pas Genevoise ! NEUE, c’est l’histoire de Premtim Hajdari et de Jeremy Simonet. Deux associés qui se sont rencontrés dans une agence neuchâteloise et côtoyés pendant une dizaine d’années avant de sentir le besoin de retrouver un peu de liberté et de voler de leurs propres ailes : « Nous avions l’envie d’offrir quelque chose de différent des autres agences de la région ». Neue, sise à Peseux, dans la périphérie de la ville de Neuchâtel, se démarque donc par un positionnement autour de trois pilliers : « Nous sommes à la fois actifs dans la création d’identité, notamment sur les questions de branding, dans la création de contenu, qui est notre positionnement le plus fort, et dans l’application et la production sur différents supports à la fois print, web et même dans l’événementiel et le digital publishing. » Surtout, l’agence NEUE entend offrir un accompagnement de qualité en se positionnant comme « copilote du département de communication de votre marque ». « Nous ne prétendons pas être une agence qui fait tout. Nous voulons nous intégrer directement aux équipes qui représentent les marques afin d’assurer une cohérence dans le contenu », affirme Premtim Hajdari, qui peut également s’appuyer sur des partenaires locaux lorsque les forces viennent à manquer. Une méthode qu’ils ont pu appliquer dans des domaines aussi riches que variés, travaillant tant dans le secteur du luxe que pour de plus petites entreprises. D’abord régional, leur portefeuille de clients s’est très rapidement développé dans les régions avoisinantes : Jura, Bienne, Lausanne, Valais et Genève. Une richesse jugée « importante » par les fondateurs, qui leur a permis de passer de 2 à 4 personnes en l’espace de quelques mois. Ces derniers avouent également avoir eu peur de la conjoncture au moment de se lancer, « mais nous avons profité de notre grande expérience, de notre créativité et surtout, d’un précieux réseau composé de nombreuses personnes qui nous ont fait confiance. Cela nous a permis de commencer avec moins de risques, pour ensuite partir à la rencontre de nouveaux clients ». Des clients qui pourraient vivre la vie de château, puisque l’agence réside dans un tel édifice !
Cavalcade : Parce que l’herbe n’est pas forcément plus verte chez les voisins
Date de fondation : Mai 2016
Fondateurs : David Von Ritter, Julien De Preux, Nina Hugentobler
La plus âgée de nos jeunes agences ! Son trio de direction a fait ses armes dans les plus grandes agences romandes et même nationales voire internationales avant de s’unir. Pas étonnant qu’en si peu de temps, Cavalcade soit déjà l’agence romande la plus récompensée à l’ADC. Ce prestigieux concours suisse de la publicité a notamment désigné l’un de leurs travaux comme la meilleure campagne digitale du pays. Ses fondateurs peuvent d’ailleurs se targuer d’être « le tout premier team créatif 100% romand à remporter un Lion au Festival de Cannes ». Julien De Preux et David von Ritter ont évolué dans les plus grandes agences romandes avant de s’envoler vers d’autres horizons : Zurich et à l’étranger, notamment au Québec, à Londres ou à Paris. Nina Hugentobler, née en Suisse alémanique et parfaitement bilingue, est le chaînon manquant de l’agence, faisant profiter de son expérience des deux côtés du « Briefing Graben » en ayant travaillé tant chez l’annonceur qu’en agence à Zurich, et à Genève en qualité de Managing Director. S’ils ont décidé de s’unir, c’est parce qu’il n’existait autour d’eux « aucune agence où nous rêvions d’aller », explique David von Ritter. Ils se sont donc lancés, faisant fi de la situation économique actuelle : « Toutes les agences où nous avons travaillé souffraient de toute manière. Au moins, aujourd’hui, notre avenir dépend de notre travail et pas de décisions auxquelles nous ne pouvons rien. » Un avenir sur la pente ascendante, puisque l’agence genevoise a déjà vu ses effectifs passer de 3 à 5 employés depuis la fondation. Cavalcade propose des prestations à 360°, s’appuyant sur la grande expérience des fondateurs malgré la petite taille de l’agence. Si besoin, ils peuvent même bénéficier d’un réseau de partenaires de qualité à travers le monde. Ces trois associés souhaitent faire profiter leurs clients de leur créativité et de leur enthousiasme, « parce que c’est notre caractère ». Ils marquent leurs travaux par une volonté d’aller au-delà des frontières habituelles, qu’elles soient créatives ou romandes. Un choix qui s’est avéré gagnant, puisque des acteurs très actifs outre-Sarine comme Granini ou TopPharm leur font confiance. Enfin, ils préfèrent ne pas s’enfermer dans un domaine de prédilection, estimant que la beauté de leur métier se trouve justement dans la découverte de nouveaux univers : « L’important reste d’avoir une bonne idée ; et à nous trois nous avons déjà travaillé pour à peu près tous les domaines d’activités ! »
<h3>Et les jeunes dans tout ça ? Possèdent-ils les clés pour créer leur structure immédiatement au sortir des bancs de l’école ?
Cette question a été posée à chacune des nouvelles agences sollicitées dans cet article. Pour Premtim Hajdari de l’agence NEUE, les jeunes pourraient rencontrer des difficultés, notamment par rapport à l’expérience acquise, « mais c’est la créativité qui est recherchée avant tout et dans ce domaine, certains pourraient nous apprendre des choses ! Je reste confiant pour les personnes créatives ». Mathieu Liechti et Andrew MacNeill de MA Communication trouvent aussi des avantages à la jeunesse, « notamment la fraîcheur, des idées différentes ou une approche des problématiques nouvelle », mais aussi toujours le même inconvénient, « principalement un manque d’expérience ». David Von Ritter de Cavalcade estime quant à lui que tout est possible si on se donne à fond : « Qui sait ? Le plus difficile est d’être sur les pitchs. Ensuite, si on travaille plus que les autres et que l’on reste humble face à ses réussites, tout est possible ! » Alban Thomas, qui a lui-même vécu cette expérience, pense qu’il faut « saisir une opportunité au bon moment : on dépend souvent d’un premier client pour pouvoir tourner. » Le fondateur de CHAT&SA, qui est également professeur à la HEAD, « encourage vraiment à tenter sa chance, car c’est un challenge excitant et enrichissant ».
Quant aux écoles, préparent-elles particulièrement l’étudiant à faire le grand saut ? Comme on l’a vu dans notre édition précédente avec l’article « plan de campagne », certaines écoles possèdent des cours dédiés à la question de créer une agence de communication… Pour le SAWI, c’est donc une mise en situation express sous la forme d’un examen qui permet aux étudiants de se rendre compte de la vie en agence et des réalités du marché. « Un élément primordial » pour l’expert et enseignant de la formation en SEC (Spécialiste En Communication) Jean-Luc Duvoisin, qui nous avait accordé un entretien à cette occasion. Également chargé de cours et expert CFC à l’ERACOM, l’associé de DO ! L’agence SA donne aux étudiants en formation de Graphic Designer un cours axé sur la vente de soi et de ses idées. Durant un semestre, il y aborde tous les éléments à prendre en compte dans la vie d’une agence : « Les étudiants ont largement assez de cours pour apprendre le graphisme, mais ils apprennent relativement peu sur comment se vendre, chose que l’on est obligé de maîtriser en agence. J’aime leur donner certains de mes petits trucs. Pour moi, savoir partager, c’est aussi partager le savoir ! » Enfin, pour Sébastien Engelmann, membre de la direction et directeur Marketing et Communication de l’école CREA du groupe INSEEC, il n’y donne pas forcément un cours axé à proprement parler sur le développement d’une agence, « mais plutôt sur le développement personnel et d’entreprise. Du coup, le schéma de l’agence n’est pas le seul objectif ». Il remarque aussi que cela ne ferait pas sens dans tous les cursus, et que d’autres formes de structures peuvent voir le jour, comme Kapaw qui a été fondé par des étudiants de CREA.